C’est quoi c’travail ?!

, par Seb

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 Spectre — Le grain de son

Édito

Amis auditrices et auditeurs, est-ce que vous vous souvenez de Madame Laurence PARISOT ? Laurence PARISOT était la patronne des patrons, la présidente du Medef, le Mouvement des Entreprises de France, de 2005 à 2013. Et Madame PARISOT est restée célèbre pour cette phrase : « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail ne le serait-il pas ? ».

Charlot, pris dans les rouages du productivisme et des chaînes de montage.
Les Temps modernes (1936)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Temps_modernes_%28film%29

La formule est bien trouvée, même si le rapprochement est audacieux. Pour ce qui est de l’amour, admettons : certains enchaînent les petits boulots comme d’autres collectionnent les amourettes. Est-ce une situation enviable ? Je laisserai chacun en juger. Concernant la santé, la comparaison est plus osée : reconnaissons tout de même qu’il est très embêtant d’avoir une santé précaire. Et notons au passage que bien des soucis de santé sont directement dus, justement, à notre travail : troubles musculo-squelettiques, anxiété, silicose, et j’en passe. Enfin, pour ce qui est de la vie, là, je ne vois pas très bien ce que Mme PARISOT voulait dire, vu qu’à ma connaissance, nous n’en avons qu’une seule – de vie – et que donc, sauf cas exceptionnel et dramatique, nous sommes tous en contrat à durée indéterminée sur cette bonne vieille Terre.

"Les prisonniers du boulot font pas de vieux os"
Pancarte vue pendant une manif’ contre la contre-réforme des retraites de 2023.
Alexandros Michailidis / Shutterstock

Sauf que le Contrat de travail à Durée Indéterminée, lui, tend à disparaître. Et que le rêve de Madame PARISOT est en train de devenir réalité. La précarité ne cesse de s’accroître. Si en 1982, les emplois en CDD et en intérim représentaient 4,5 % de l’emploi total, en 2019 nous en étions à 11,5 %. Cette même année, 85 % des contrats arrivés à terme étaient inférieurs à un mois, et 30 % avaient duré le temps… d’une journée !
Et aucun secteur n’est épargné : 12 % des employés et 8 % des ouvriers ont un contrat à durée limitée, un taux qui monte à 17,5 % chez les ouvriers agricoles. Mais c’est aussi le cas de 6 % des professions intermédiaires et même de 4 % des cadres. Quant à la fonction publique, la sécurité de l’emploi est une chimère : la part des contractuels s’y élève à 22 % des agents.

On le voit, toutes les catégories d’emploi sont concernées, mais certaines catégories de population sont plus touchées que d’autres : les femmes en premier lieu, qui constituent les quatre cinquièmes de l’emploi à temps partiel. Les immigrés bien sûr, qui occupent souvent des emplois peu qualifiés. Les jeunes enfin : en 2018, plus de la moitié des 15-24 ans en emploi étaient soit en intérim, soit en CDD, soit en apprentissage. Un chiffre qui ne s’élevait qu’à 17 % en 1982.
Cette donnée, il faut l’avoir à l’esprit chaque fois que l’on entend quelqu’un s’offusquer du peu d’ardeur que mettrait la jeunesse à chercher du boulot, ou à « se défoncer pour son job », comme on dit. Le travail n’apportant plus ni salaire décent, ni sécurité contre les aléas de la vie, comment s’étonner qu’il ne fasse plus rêver ? Que les français n’aient plus le « goût de l’effort » ? Et qu’au final, ils ne partagent plus la « valeur » d’un travail depuis longtemps dévalorisé ?

Mais la morale bourgeoise n’est pas à une contradiction près. On pourrait même dire qu’en la matière, les capitalistes osent tout, et que c’est à ça qu’on les reconnaît. Ils peuvent se permettre tout à la fois de forcer ceux qui ne veulent pas travailler à accepter n’importe quel emploi, quand dans le même temps ils jettent à la rue, pour cause de licenciement boursier, des hommes et des femmes dont le travail constituait la dignité. Ou de harceler les chômeurs pour les « inciter » à trouver du travail, tout en étant incapables de leur offrir des emplois stables et dignes de ce nom.

Face à ces incohérences, il nous reste une question : la vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le capitalisme ne le serait-il pas ?

Invité·e·s :

  • Nicolas DUMOULIN, Solidaires Auvergne
  • Patrick LEBRUN, secrétaire départemental FSU Puy-de-Dôme

Musiques :

  • Princesse Erika : Faut qu’j’travaille
  • Henri Salvador : Le Travail c’est la Santé
  • Bernard Lavilliers : Les Mains d’Or
  • Coluche : Sois fainéant (ou conseil à un nourrisson)